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Covid-19 : ce qu'il faut retenir du rapport de l'Organisation mondiale de la santé sur l'origine du virus

Article rédigé par franceinfo
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Des techniciens de laboratoire analysent des tests biologiques le 25 novembre à Paris. (NATHAN LAINE / HANS LUCAS / AFP)

Les enquêteurs envoyés en Chine en janvier dernier n'ont pas résolu le mystère des origines de la pandémie. Ils privilégient l'hypothèse de la transmission du virus de la chauve-souris à l'homme via un animal intermédiaire.

Un rapport sans surprise. La douzaine d'experts internationaux envoyés en Chine, en janvier, par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), ont rendu leur enquête sur les origines du Covid-19. Ils ont présenté, mardi 30 mars à Genève, le détail de leurs conclusions, qui privilégient la piste d'une transmission du coronavirus Sars-CoV-2 à l'être humain par un animal intermédiaire à partir d'un animal réservoir (vraisemblablement la chauve-souris). Le patron de l'OMS a néanmoins réclamé une nouvelle enquête sur l'hypothèse d'une fuite du virus d'un laboratoire en Chine.

"Toutes les hypothèses sont sur la table et méritent des études supplémentaires et complètes", a fait savoir Tedros Adhanom Ghebreyesus, à qui ce document a été remis. En clair, l'enquête n'a pas résolu le mystère des origines du Covid-19. Alors que 26 chercheurs internationaux appellent, dans Le Monde (article abonnés), à une nouvelle enquête indépendante, en dénonçant les "limitations structurelles" imposées aux experts de l'OMS lors de leur visite en Chine, voici ce qu'il faut retenir de ce rapport dont l'AFP a obtenu copie.

Un animal intermédiaire a "probablement" transmis le virus

Le rapport privilégie la théorie généralement admise de la transmission naturelle du virus d'un animal réservoir (probablement la chauve-souris) à l'humain, par l'intermédiaire d'un autre animal non encore identifié. Parmi les suspects figurent le chat domestique, le lapin ou encore le blaireau-furet. Le rapport n'exclut pas non plus la responsabilité du vison, élevé pour sa fourrure en Chine dans de multiples centres. 

Quant au pangolin, ce sont des chercheurs chinois qui ont les premiers avancé cette hypothèse. Mais depuis, les scientifiques ont écarté cette piste. "On note que le taux d'identité entre les séquences de Sars-CoV-2 et celles issues du pangolin n'atteint que 90,3%, ce qui est bien inférieur aux taux habituellement observés entre les souches infectant l'humain et celles infectant l'hôte intermédiaire", avait expliqué le virologue Etienne Decroly dans une interview au journal du CNRS en octobre 2020. 

La transmission directe par la chauve-souris est jugée "possible" 

Dans ce rapport qui multiplie les hypothèses, la transmission directe du virus via la chauve-souris est également jugée "possible" par les experts. La chauve-souris a très tôt été identifiée comme l'animal qui aurait probablement servi de réservoir au virus. "Un virus à 96% identique au Sars-CoV-2 a été identifié chez des chauves-souris capturées en Chine. La chauve-souris est donc très vraisemblablement le réservoir du virus", écrivait l'institut Pasteur à la fin février 2020. Le rapport souligne que "des anticorps visant les protéines du coronavirus de la chauve-souris ont été trouvés chez des humains ayant eu un contact étroit avec des chauves-souris"

L'hypothèse de la viande surgelée est "très faible" mais pas totalement écartée

Les experts ne balaient pas totalement l'hypothèse d'une transmission par de la viande surgelée. Ils jugent ce scénario "possible", mais sa probabilité "très faible", dans la version du rapport dont l'AFP a obtenu copie avant publication officielle le 30 mars. "La probabilité d'une contamination de la chaîne du froid par le virus à partir d'un [animal] réservoir est très faible", écrivent-ils. L'hypothèse d'une arrivée du virus en Chine via les aliments surgelés dès 2019 serait  "extraordinaire", selon eux, car le virus "ne circulait alors pas à grande échelle" dans le monde. Si l'étude fait état de "certaines preuves d'une possible réintroduction du [coronavirus dans le pays] via le maniement de produits congelés importés contaminés", aucun élément "concluant" n'indique que le pathogène puisse "se transmettre par la nourriture".

Confrontée aux critiques occidentales, notamment des Etats-Unis qui l'accusent d'avoir mal géré les débuts de la crise, la Chine avance depuis l'an passé l'idée d'une origine étrangère du Sars-CoV-2. La presse chinoise l'a accréditée en rapportant largement la détection par les autorités sanitaires d'échantillons "positifs" au coronavirus sur des emballages d'aliments surgelés importés. "Le but est probablement d'introduire suffisamment de doute pour que les gens s'interrogent sur l'origine du virus", a déclaré à l'AFP Adam Ni, directeur de l'institut de recherche China Policy Centre, basé en Australie.

La piste d'une fuite d'un laboratoire "extrêmement faible" mais pas écartée

Les experts n'ont en revanche pas étudié le cas d'une fuite volontaire et jugent "extrêmement improbable" un accident. "Le risque d'avoir cultivé de façon accidentelle le Sars-Cov-2 en laboratoire est extrêmement faible", ajoutent-ils. Ils notent néanmoins que, "bien que rares, les incidents de laboratoire peuvent se produire".

Des conclusions qui n'ont pas empêché le patron de l'OMS lors d'un briefing sur le rapport ce mardi, de réclamer une nouvelle enquête avec des experts spécialisés sur l'hypothèse d'une fuite du virus. "Cela demande d'enquêter plus avant, probablement avec de nouvelles missions avec des experts spécialisés que je suis prêt à déployer", a-t-il assuré, avant de souligner également que les experts internationaux "avaient fait part de leur difficultés à accéder aux données brutes" pendant leur séjour en Chine. Une rare critique publique de la façon dont Pékin a géré cette enquête conjointe.

Cette hypothèse que le virus ait pu s'échapper d'un laboratoire a été défendue avec force par l'administration américaine sous la présidence de Donald Trump, se basant sur les informations de ses services de renseignement. Elle est également jugée crédible par plusieurs scientifiques français et étrangers de renom, comme le rappelle l'enquête du magazine "Envoyé spécial" sur le sujet. Mais la Chine a toujours nié cette possibilité.

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